An 52 avant Jésus. Gergovie.
Le spectacle toujours magnifique des manœuvres de la Légion ne peut que nous émerveiller, car en effet les officiers romains viennent de lancer leurs troupes à l'assaut.

« Formation tortue, la routinus, quoi, les copains », avaient-ils dit aux soldats.

Ces derniers s'étaient précipités à l'assaut dans toute l'ardeur de leur insouciance. Ce qu'ils ignoraient... c'est que pendant ce temps, les centurions rejoignaient le secret de leur tente pour jouer à Age of Empires I et Ceasar III sur leurs ordinata (un ordinatum, des ordinata). Tous y étaient devenus accrocs en appréciant le sentiment de puissance — de Césaritude — qu'ils en tiraient.

Hélas, au dehors les choses n'étaient point aussi simples. De fait, Vercingétorix et ses rigolos malmenaient les légionnaires et lorsque ces derniers se tournèrent vers leurs supérieurs pour obtenir un ordre avisé, un conseil tactique, une stratégie plus efficace, plus personne ne répondait à l'appel.

Loin de là, Caius Julius Caesar — Jules pour les intimes — regardait le journal de 20 heures sur son télévisius. En y apprenant la débâcle de sa supposément glorieuse Légion face à un agglomérat de paillards barbares dopés à la cervoise et au lait de chèvre, il fulmina.

« Que faisaient donc les officiers ? » hurla-t-il dans les couloirs.

Il se rendit auprès de son plus proche conseiller. Ce dernier lui révéla la décadence dans laquelle pataugeaient les têtes prétendument pensantes de l'armée, et sa colère empira encore davantage.

Furieux, il prit la direction des quartiers de son fils.

« Mater cette sotte révolte lui sera un exercice bénéfique. » songea-t-il.

Toutefois, en pénétrant dans la chambre de sa progéniture, il constata que Brutus était en pleine partie de Age of Mythology sur sa machine (laquelle tournait sous Microsus Windus –551). Le fiston se prenait pour un Dieu.
Ce bon vieux Jules, atterré, ne prononça que ces mots :

« Tu quoque, mi fili ? »

Puis il s'en alla, son irritation douchée par la trahison de sa descendance, le fruit de sa propre chair. Nonobstant ce fugitif découragement, César demeurait César. Il réfléchit furieusement. Et eut une idée de génie.

Trois mois passèrent. Trois mois pendant lesquels l'Empire Romain avait entrepris d'exporter sa technologie. Les ordinata et les télévisia s'étaient vendus comme des petits pains. Les Goths et les Gaulois avaient été de gros consommateurs, tandis que les Grecs s'étaient tenus à l'écart — leur situation économique, guère brillante, ne leur avait guère permis d'investir — et les Égyptiens refusaient d'investir dans un objet dont la forme jurait si disgracieusement avec celle des pyramides.

Mais tout cela importait peu à Jules César. Fin Novembre, il marcha sur Alésia, en ayant pris soin de prohiber l'usage des appareils à écran dans l'armée. En face, les gaulois n'opposèrent guère de résistance, car leurs chefs regardaient L'inspecteur Barnabix sur Gaule 3.

Lorsque les soldats de l'Empire pénétrèrent dans la hutte de Vercingétorix, ce dernier grommela depuis son fauteuil.

« Mes armes sont là-bas, bougonna-t-il en pointant un poussiéreux coin de la bâtisse. Amenez-les à Jules et dites lui que j'annoncerai ma reddition à la fin de l'épisode. Je suis sûr que c'est le fils qui a fait le coup. »

Une fois encore, César l'avait emportée grâce à ses innovantes manœuvres militaires.

« Veni, vidi la télé, vici. » déclara-t-il sobrement.

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1. Jules n'appréciait guère le système Windus tout juste bon à jouer ; lui-même usait d'un Applus MacIntus IX pour son travail de gestion d'Empire.